Les incroyants seront-ils DAMNÉS ?

« Les non-croyants seront-ils sauvés ? » demande-t-on souvent aux chrétiens. Beaucoup se basent sur la maxime « Hors de l’Église point de salut » pour en douter. La réponse n’est pas simple. Elle peut varier selon les passages bibliques retenus, ou selon les églises, ou même les tendances plus ou moins traditionalistes ou rigoristes au sein des églises. 

La doctrine islamique, elle, a le mérite d’être claire :

tous les non-musulmans sont voués à l’Enfer.

 

Dans les évangiles, le Nouveau Testament, et dans toute la Tradition chrétienne, le véritable salut ne réside que dans le Christ. Tout salut vient de lui, source divine de toute grâce. Lui seul est la Lumière et le Chemin qui nous y conduit (Jn 10… 14… 15… etc.). « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné » (Marc 16,16).

Ainsi se pose la question du salut des non-croyants, en particulier ceux qui ignorent le Christ et son Salut, ou ceux qui n’y ont pas adhéré pour de multiples raisons : ignorance ou incompréhension, scandales face aux malheurs ou aux mauvais croyants, aveuglement idéologique, refus de la Lumière… (Voir ci-dessous : les raisons de l’incroyance)

RÉPONSES (selon l’Église catholique)

>> Il est certain que dans la Révélation chrétienne, et dans toutes les églises, il ne suffit pas de croire et d’être baptisé pour être sauvé. Certes, la foi et le baptême sont la porte d’entrée dans le Salut et dans l’Église. Encore faut-il y cheminer dans la fidélité et en porter les fruits évangéliques. Aucune illusion n’est permise sans cela (cf. notamment Mt 7,21 s. et 25,31). L’iconographie chrétienne (tapisseries, fresques, surtout au moyen-âge) représente toujours en Enfer les chrétiens infidèles, fussent-ils évêques et pape.

>> Gardons-nous de juger nous-mêmes et de condamner les non-chrétiens ou les non-croyants. Le jugement n’appartient qu’à Dieu seul, « qui sonde les cœurs et les reins » (Apoc 2,23). Le Christ l’affirme : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,17) Et de même Paul : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tim 2,4).

>> « Hors de l’Église, point de salut. » Cette maxime est de l’évêque Cyprien (3s.), reprise par des pères de l’Église. Elle doit se comprendre dans le contexte des divisions qui déchiraient l’Église et les chrétiens à l’époque (ici). Elle concernait surtout les ‘chrétiens’ qui prétendaient marcher en dehors de la communion ecclésiale. Elle ne porte pas d’abord sur les incroyants ou des non-chrétiens. L’Église a d’ailleurs condamné les interprétations rigoristes et exclusives d’un Salut réservé aux seuls chrétiens (voir ici).

L’Église catholique interprète cette maxime comme l’affirmation que la pleine Révélation ne se trouve qu’en Jésus Christ et son Église. Donc que ceux qui s’y opposent en toute conscience et en toute liberté ne peuvent recevoir le Salut. Donc, en conséquence, que peuvent être sauvés ceux qui ignorent le Christ et son Église ! (voir ici)

« Ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel. » (Lumen Gentium 5)

>> L’apôtre Paul nous éclaire sur le jugement des païens ou des incroyants : « Tous ceux qui ont péché sans la Loi périront aussi sans la Loi ; et tous ceux qui ont péché sous la Loi seront jugés par la Loi. Ce ne sont pas les auditeurs de la Loi qui sont justes devant Dieu, mais ceux qui la mettent en pratique. En effet, quand des païens ignorants de la Loi accomplissent naturellement les prescriptions de celle-ci, ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes, eux qui n’ont pas la Loi. Ils montrent que cette loi est inscrite en leur cœur, car leur conscience en témoigne avec leurs jugements intérieurs de blâme ou d’éloge… » (Rom 2,12 s.) Manifestement, Paul reconnaît ici que les païens (ceux « sans la ‘Loi’ ») qui sont de bonne volonté (eux « qui accomplissent naturellement celle-ci ») seront jugés et sauvés d’après leur conscience. (Mais cependant toujours par la grâce du Christ.)

>> Le Christ lui-même nous évoque son jugement, basé sur la charité, qui semble s’ouvrir aux non-croyants de bonne volonté :

— « Bienheureux les pauvres… les doux… les pacifiques… » (Mt 8). Selon les béatitudes, le Salut est offert à ceux qui vivent selon l’esprit évangélique. Pourquoi cela ne vaudrait-il que pour les chrétiens, et pas pour d’autres ?

— « Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,31 s.). Même question que pour les béatitudes (ci-dessus). Le jugement du Christ ne porte pas ici sur la foi (ou l’incroyance), mais sur les actes et la charité envers les plus petits.

>> En définitive, l’Église catholique et nombre d’églises-sœurs reconnaissent que le Corps spirituel du Christ, son Église universelle, déborde les frontières de nos églises en intégrant tous les hommes de bonne volonté qui, en définitive, seront sauvés — mais toujours dans le Christ, même s’ils ne l’ont pas connu ni confessé — à condition que ce soit sans refus de leur part. (On pourrait interpréter dans ce sens la foule immense de toutes origines évoquées en Apoc 7,9)

>> Néanmoins, l’Église reste la vraie « famille » des disciples du Christ, et sa mission est toujours d’évangéliser tous les hommes en vue de les conduire à la plénitude de la Vérité et du Salut (Cath. Égl. Cath. § 848).

Les chrétiens doivent être « sel de la terre » et « lumière du monde » (Mt 7,13-14) non seulement pour le salut éternel des hommes, mais aussi pour nos sociétés affectées par tous les maux de ce monde. L’évangélisation a donc aussi une portée et une nécessité sociale et temporelle : répandre les fruits de l’évangile, et lutter contre l’injustice et les forces des ténèbres en ce monde.

LES RAISONS DE L’INCROYANCE (à compléter éventuellement)

1. D’abord, on ne voit ni Dieu ni le surnaturel (les théologiens du moyen-âge l’avaient déjà compris !), malgré leurs manifestations possibles (miracles). Mais celles-ci peuvent être mises en doute pour bien des raisons, qui ne sont pas forcément rationnelles ni même scientifiques (cf. raisons suivantes).

2. Le MAL et la souffrance semblent contredire l’existence du Dieu bon et tout-puissant, jusqu’à engendrer une révolte contre un prétendu dieu lointain et indifférent à la souffrance. (cf. Le SCANDALE du mal)

3. Certaines religions (ou sectes) interdisent à leurs adeptes toute réflexion et tout questionnement sur leurs dogmes, fussent-ils totalement irrationnels. Elles interdisent donc l’accueil de la révélation du Dieu-Amour en Jésus Christ. Ces religions menacent les dissidents (apostats) du crime de blasphème (apostasie) et de la damnation éternelle. (Inutile de nommer ici ce genre de religion.)

4. Les systèmes idéologiques (diffusés dans l’enseignement, les médias, etc.) verrouillent les esprits à toute idée de Dieu et du surnaturel, taxés de superstition, dogmatisme, obscurantisme… Cette mentalité prétendument « éclairée », issue des « Lumières », imprègne notre monde moderne. Elle impose ses propres dogmes : le relativisme, le rationalisme (la raison sans Dieu), le scepticisme, le matérialisme, l’hédonisme libertaire, le nihilisme des valeurs, l’athéisme libre-penseur…

5. Le refus de la lumière : Quand la Lumière dérange et contredit nos opinions et nos choix de vie, on préfère la rejeter. On peut appeler ça ‘faire l’autruche’, ou l’aveuglement volontaire, ou le négationnisme de tout ce qui dérange. « Quiconque fait le mal hait la lumière » (Jn 3,19-20 ; 9,41). Mais ce peut être aussi le péché du refus ou « blasphème » contre l’Esprit Saint (Mt 12,31 ; Jn 5,16). L’accueil de la Lumière demande effectivement une grande ouverture et humilité d’esprit : « Je te loue, Père, d’avoir caché cela aux sages et aux savants, et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mat 11,25).

Comme pour les systèmes idéologiques, nous avons ici affaire à l’orgueil de la RAISON contre la FOI ; à la prétention d’être à soi-même sa propre référence, ou de dominer le monde en rejetant la révélation de Dieu (voir ici).

6. Enfin, tout simplement, la simple négligence ou paresse dans la quête de vérité et du sens de notre vie. (Ce que les théologiens appellent le péché « d’ignorance volontaire »). On peut en trouver l’illustration dans la parabole du semeur (Mt 13 ; Mc 4, Lc 8), avec les mauvais terrains qui ne reçoivent pas, ou mal, la bonne semence de l’évangile.

RÉFLÉCHISSONS

1. Oui, nous avons le droit de douter, ce qui est le propre de l’esprit en quête de vérité. Dieu et le surnaturel ne se trouvent pas de façon évidente. (Sinon, ça se saurait.) Notre monde est extrêmement complexe. Dans toutes les sciences, les philosophies, et les vies, le ‘pour’ et le ‘contre’ s’affrontent. Tout semble donc compliqué, confus, discutable.

« Il y a assez de lumière pour croire, mais aussi assez d’obscurité pour douter » disait le grand Pascal (voir l’étude). L’incroyance est ici bien compréhensible.

De plus, le MAL reste sans doute le principal obstacle pour l’esprit et le cœur désireux du beau, du bien, de la justice… Le Mal semble donc une possible ‘preuve’ contre Dieu.

2. Mais il nous incombe de chercher la vérité en âme et conscience.

L’apôtre Paul, avant de suggérer le salut des incroyants de bonne volonté (Rom 2,12 cité ci-dessus), affirme sévèrement le jugement divin sur ceux qui refusent la Lumière. « La colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui tiennent la vérité captive dans l’injustice ; car ce qu’on peut connaître de Dieu est pour eux (les non-croyants) manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. Ce qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers ses oeuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu’ils sont inexcusables… » (Rom 1,19-20 ; Cf. Livre de la Sagesse 13,3-5 « La grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Créateur. »)

Cette question est développée dans notre Chap. 1 :De la science à Dieu

Les non-croyants sont-ils vraiment inexcusables ? Certes, nous l’avons dit, les raisons de l’incroyance sont multiples. Et personne n’est obligé de croire. Mais Paul dénonce ici « toute impiété et toute injustice qui tiennent la vérité captive dans l’injustice ». Il y aurait trop à dire ici sur ce qu’il entend par impiété et injustice. Mais disons au moins ceci :

Les incroyants, s’ils sont sincères, ne devraient-ils pas au moins se laisser toucher et interpeller par tout ce qui est grand, beau, bon, et mystérieux dans l’univers et l’humanité ? Et s’interroger sur leur source ? Refuser de s’interroger là-dessus, ne serait-ce pas déjà une fermeture à la Lumière, donc un aveuglement volontaire ?

Oui, les raisons de croire – ou au moins de s’interroger – ne manquent pas au vu de tout ce que nous dévoilent le monde, l’humanité, et la science (avec les miracles qu’elle valide), et au vu de la solidité et de la sublimité de la Révélation chrétienne, de ses fruits d’humanité et de sainteté sous toutes leurs formes. Nier tout cela ne serait-il pas une forme d’aveuglement volontaire ? (Voir nos articles sur la science, la Bible, le Christ)

Certes, l’ultime juge sera Dieu lui-même, « lui qui sonde les cœurs et les reins » (Jér 17,10 ; Rom 8,27 ; Apoc 2,23…).

 

 

 

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