Le PRÊTRE : peut-on l’appeler « père » ?

Beaucoup dénoncent l’appellation de ‘père’ chez les catholiques à partir de ce passage : « N’appelez personne sur la terre votre ‘père’, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est dans les cieux » (Mt 23,9).

Une lecture littérale de ce verset semble bannir toute paternité en ce monde, jusqu’au nom même de « père ». Ceci est parfaitement stupide, ni même biblique. Voici pourquoi.

 

>> Voyons d’abord le passage entier : « Ne vous faites pas appeler ‘rabbi’ ; car vous n’avez qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères. Et n’appelez personne sur la terre votre ‘père’ ; car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas non plus appeler ‘docteur’ (Segond : ‘directeur’ ou ‘chef’) ; car vous n’avez un seul Enseignant, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé. » (Mt 23,8-12)

Doit-on en conclure qu’on doit barrer les titres et les fonctions pourtant si usuels de « maître », « père », « docteur », « directeur », « chef » !? Les fondamentalistes bibliques ont du boulot s’ils doivent éradiquer tout ça dans leur bible et dans nos sociétés !

>> Que veut dire Jésus ? Voilà la question à se poser. Dans ses paroles, Jésus rejette ici toute prétention à une quelconque supériorité spirituelle ou sociale en contradiction avec l’esprit évangélique : « Celui qui veut être le premier, qu’il soit le serviteur de ses frères » (Mt 20,26-27 ; Mc 10,43 ; Lc 22,26)

C’est l’esprit clérical de domination que Jésus condamne. Tant pour les pharisiens de l’époque que pour nos pasteurs d’aujourd’hui. Et évidemment pour toute forme de despotisme, depuis les empereurs (romains ou autres) qui se divinisaient comme ‘père’ de leur peuple — ce qui n’a pas trop changé jusqu’à ce jour.

Jésus dénonce ici le cléricalisme, le culte de la personnalité, la volonté de puissance ou de domination qui peuvent sévir dans nos assemblées, et bien sûr dans les sectes ou les régimes despotiques.

>> Cela vaut particulièrement pour les titres de PASTEUR, d’APÔTRE, de PROPHÈTE, qui pullulent dans nos innombrables ‘chapelles’. Jésus dénonce ces personnes qui s’autoproclament et s’arrogent ces titres, se font vénérer comme les gourous, se prévalant de leur puissance, de leurs miracles, de leurs prophéties. (Avec « tempêtes » ou « tsunami » de miracles ou de prophéties parfaitement programmés ! — à grand renfort de publicité dans nos villes.)

>> La Bible n’exclut nullement la reconnaissance des pères. Non seulement des pères selon la famille, mais aussi des pères selon une paternité spirituelle. La notion de père spirituel est parfaitement biblique.

• Paul se présente comme père spirituel des Corinthiens : « Vous n’avez pas plusieurs pères. Car c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’évangile. » (1 Cor 4,15. Voir encore Gal 4,19 ; 1 Thess 2,11; 1 Tim 1,2; Philémon v.10).

• Le diacre Étienne (Act 7,1) et Paul (Act 22,1) s’adressent aux « frères et pères ». On se doute que leur exhortation ne s’adresse pas seulement aux papas. (Voir aussi 1 Jn 2,13)

• Dans l’Ancien Testament, Élisée appelle Élie « mon père »  (2 Rois 2,11 et 13,14), de la même façon qu’Abraham est appelé le père des croyants.

Toute vraie paternité spirituelle n’est qu’une participation à l’unique paternité de Dieu. De même qu’on peut être appelé pasteur alors même qu’il n’y a qu’un seul et unique « Bon Pasteur », le Christ. « Je fléchis le genou en présence du Père, de qui toute paternité au ciel et sur la terre tire son nom » (Éph 3,14-15 ; trad. Bible de Jérusalem). 

Les prêtres ne sont dès lors que les ministres, les ambassadeurs ou des ‘lieu-tenants’ du Père éternelIls ne peuvent en tirer aucune gloire (2 Thess 2,4-12). Ils n’ont pas à s’arroger un quelconque pouvoir spirituel, et encore moins une quelconque puissance de miracles ou d’exorcismes. Et si cela gêne un frère d’une autre dénomination, il peut aussi bien dire « révérend » ou « padre », comme on peut dire « pasto », ou autre chose du genre.

Comprenons l’enseignement de Jésus selon l’ESPRIT et non simplement selon la LETTRE (celle qui « tue »).

Chaque responsable religieux doit s’examiner : Suis-je vraiment serviteur de Jésus et de mes frères (et non de moi-même) ? Ne suis-je pas trop fier ou jaloux de mon autorité ? N’ai-je pas tendance à m’arroger un pouvoir sur les autres ? 

>> Gare aux faux « prophètes », « pasteurs », « apôtres ». Les vrais chrétiens ne doivent se revendiquer que du Christ seul, et non d’un quelconque pasteur ou fondateur de communauté. Et les vrais pasteurs (de toutes dénominations) ne doivent jamais rechercher la popularité ; ils ne sont que les serviteurs du Christ, ses « poteaux indicateurs ».

« Méfiez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous déguisés en brebis, mais au-dedans, ce sont des loups rapaces » (Mt 7,15)

« Beaucoup me diront en ce jour-là : ‘’Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ? …chassé les démons ? …fait de nombreux miracles ?’’ Alors je leur dirai : ‘’Je ne vous ai jamais connu ; écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal.’’ » (Mt 7,21 s.) Notez que le Seigneur désigne ici très précisément les trois activités dont se prévalent tant de super pasteurs : prophéties, exorcismes, miracles.

Père M. Hebga, jésuite camerounais de bienheureuse mémoire : « Bien des prédicateurs entraîneurs de foules, d’exorcistes et de faiseurs de miracles, s’entendront reniés au jour du jugement en termes sévères : « Jamais je ne vous ai connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt 7,23). Car c’est Jésus lui-même qui guérit en daignant se servir de nous ; c’est son nom qui est puissant, non le nôtre, non celui de Pierre ou de Jean » (Act 3,12-16). » (Sorcellerie et prière de délivrance, p.190)

Le p. Emiliano Tardif, prêtre célèbre pour ses charismes de guérison, répond à la question « Êtes-vous sûr d’avoir le don de guérison ? » : « Je suis sûr que j’ai la mission d’évangéliser… et que les signes et les guérisons accompagnent la prédication de l’évangile. Moi, je ne fais que prêcher et prier, tandis que Dieu, lui, guérit les malades. » (Jésus a fait de moi un témoin, p. 105-106)

Qu’on en finisse donc avec les croyances de prétendus pouvoirs mystiques chez les prêtres. Ce sont là des fantasmes issus de la mentalité magique et fétichiste, totalement condamnés dans l’Église. (Voir ci-après la cinglante lettre de Mgr Jean Zoa contre le cléricalisme)

 

Un archevêque camerounais fustige le CLÉRICALISME

(Mgr Jean Zoa, Nleb Ensemble N° 10 du 2/2/97)

« L’ordination sacerdotale n’est pas une promotion sociale. Comme Jean-Baptiste, le prêtre doit s’effacer devant le Christ : « Je ne suis pas le Messie ; je ne suis pas digne de… – Il faut que lui grandisse, et que moi, je diminue » (Jn 3,30). Dire « Je suis prêtre ; je suis donc intouchable », c’est parler en païen. Le cléricalisme est un danger mortel. C’est la tentation de se mettre à la place de Dieu, et de se faire le centre de tout. C’est enfantin, sot, païen, et sacrilège !

Le cléricalisme est stérilisant, il défigure l’Église, il trahit l’Église. Il cultive l’ignorance ! Il cultive l’exploitation des gens sous couvert de religion ! (…car il y a de l’argent à la clé : Des gens qui ne paient pas leur denier du culte vont trouver 60.000 F pour qu’un prêtre aille leur faire ses grigris, qui sont sacrilèges !) Mes frères, si vous dites : « Ça, c’est un vrai ‘fara’ », vous contribuez à tout cela. Des prêtres multiplient les bénédictions et les exorcismes parce que la Parole de Dieu n’occupe pas sa place, l’appel à la conversion n’est pas entendu ! Il vous faut alors des choses qui vous rassurent : donc des bénédictions, de l’eau bénite, des crucifix qu’on vient vous appuyer sur la poitrine, etc.

Certains prêtres ne prêchent jamais la Parole de Dieu ! …mais plutôt les petits  potins   de  quartier !  Et   leurs  ouailles  retournent   affamées…

Certains prêtres n’ont jamais le temps de recevoir leurs fidèles. Pendant toute la semaine, ils sont ‘à leurs affaires’. Or la première mission du prêtre, c’est l’invitation à la conversion, la revalorisation de la Parole ! Que notre Église sache redonner sa place à la Parole et à la conversion. Ne nous laissons pas enfermer dans le carcan de la pratique des sacrements, qui a fait qu’à une période toute la pratique ‘évangélique’ se réduisait seulement aux sacrements ! Mettons la Parole au centre de tout, avec la démarche de conversion. Les sacrements ne sont que la célébration, la consécration de la Parole  et  de la  conversion. »

Contactez nous